Après le très dérangeant Grave, Julia Ducournau reste fidèle à son univers et rafle la Palme avec un mash-up entre Scream, Juno et Transformers.
Il est des gens qui sont fait pour certaines choses : les promoteurs immobilier pour racheter la maison de votre enfance et en faire un immeuble de standing en série, les actionnaires pour déréguler l’économie mondiale, et Julia Ducournau pour faire des films ne peuvent laisser indifférent.
Après Grave – qui m’a demandé plusieurs semaines avant de l’apprécier – qui a rencontré un succès critique et ouvert de nouvelles portes à un cinéma français qui alternait entre comédie familiale et drame social, voici Titane, qui ne fera que confirmer la tendance.

Ce n’est pas mettre trop de poids sur les épaule de la réalisatrice que d’affirmer qu’elle est la digne représentante de cette nouveauté dans le cinéma français : jamais nous n’avions autant entendu parler de film de genre français que depuis son arrivée dans le paysage audiovisuel. Elle porte avec elle ce courant, mais également l’émergence de talentueuses réalisatrices qui apportent à notre Cinéma un nouveau regard, une nouvelle dimension. Remercions donc les grandes causes telles que la représentation des minorités, la transphobie, ou la place des femmes dans notre société, qui nous auront respectivement offerts des films tels que Les Misérables de Ladj Ly, Miss de Ruben Alves, ou donc le film cannais de l’année : Titane.
Deux pour le prix d’un
Titane est un film qui se construit en deux actes tellement distincts que l’on a la sensation de voir deux films différents. Après un plan séquence qui redirigera le sang de nombreux mâles vers les cavités prévues à cet effet, nous suivons le périple macabre d’Alexia – interprétée par Agathe Rousselle – , une danseuse attiré par le metal, et mécanophile à ses heures perdues. Alexia prend assez rapidement goût au meurtre, traités ici dans un mélange de sordide et de legerté : Sordide dans les actes, léger dans le traitement. Elle finit par être recherchée par les autorités et son portrait robot est affiché un peu partout.

Alors démarre le second film : Elle décide de prendre l’apparence d’un petit garçon disparu 10ans plus tôt, et suite à une métamorphose dérangeante retrouve le père de famille, chef de brigade des Pompiers, joué par Vincent Lindon. Le film devient alors plus intime, entre une Alexia – qui s’appelle désormais Adrien – dans une situation de santé alarmante, et l’aveuglement du père qui a besoin de croire son fils en vie. Les rapports entre les deux évoluent dans une ambiance fascinante et kafkaïenne.
La Ducournance
Si Grave pouvait laisser penser qu’il s’agissait d’une volonté de déranger, nous comprenons désormais qu’il s’agit d’une signature. Les crimes commis par Alexia sont certes fortement inspiré de l’horreur et sans grande novation, mais certaines séquences sont d’autant plus dérangeantes, en témoigne une scène d’amour lesbien comme on en voit peu sur PornHub (Dieu merci), ou d’une rhinoplastie qu’on qualifiera d’audacieuse et économique.

La génance physique laissera ensuite sa place au psychologique. La modification du corps incessante d’Alexia pour se muer en Adrien afin de convaincre un père qui se convainc lui même d’avoir retrouvé son fils, et l’amour qu’ils partagent qui a par moment un côté tendancieux nous retournent l’estomac. La gêne de parler, du regard des autres, la gêne d’être ce qu’on est de par sa différence.
Le film est aussi gênant que brillant, Palme d’Or méritée ou non chacun en jugera. Pour autant, ce film reste une oeuvre à part entière, du Kafka sur grand écran, qui mêle l’absurde au réel avec un immense talent : francisons la langue : c’est ducournant.